Le village préféré des Libanais : #6 Jezzine, l'éternelle fiancée de la cascade
Date: Tuesday, July 19, 2016
By: Anne-Marie El-HAGE
Source: L'orient le jour
Assis devant une échoppe, une poignée d'artisans, de commerçants et d'habitants refont le monde en sirotant leur énième café. Ils échangent des plaisanteries, sourire aux lèvres. Il fait si bon vivre à Jezzine.
L'éternelle fiancée de la cascade, chef-lieu du caza qui porte son nom, est-elle une ville, une bourgade ou un village du Liban-Sud ? Peu importe. Ce qui importe, c'est qu'elle a toujours été, à travers les siècles, non seulement le pourvoyeur en eau de la région, grâce à ses quelque 24 sources, mais aussi le grenier des trésors de Saïda, notamment. Son nom viendrait de l'araméen, canzino, qui signifie magasins ou réserves, raconte Sleiman Rizk, professeur d'histoire et habitant de la localité. Jezzine veut aussi dire en arabe deux parties (jez'ayn), en référence au fleuve formé par la cascade, qui coupe la localité en deux.
Rien d'étonnant donc à ce que Jezzine devienne le centre de villégiature le plus prisé de la région. Un centre où se pressaient l'été Palestiniens, Égyptiens et même Syriens aisés, avant la funeste Nakba (l'exode palestinien de 1948). Et qui attirera, plus tard, les habitants de Saïda et les touristes du Golfe. Les traces de cet âge d'or demeurent visibles dans la bourgade. Elles portent les noms des hôtels Palestine, Ahram, Kanaan et autres.
La visite de la vieille demeure de Maroun Kanaan, homme politique qui a contribué à l'indépendance du Liban, est un must incontournable. Empreinte d'histoire, de souvenirs et d'un mode de vie à l'ancienne, elle raconte le village à travers la famille Kanaan et son chef, Soleiman bey. Une histoire faite de luttes, de déportations, de relations avec l'Empire ottoman et les différentes communautés religieuses. « Soleiman bey entretenait d'excellentes relations avec les Joumblatt. C'est ainsi que les chrétiens, jadis ouvriers, sont devenus propriétaires à Jezzine », raconte Fady el-Hage, membre de la municipalité, gardien des clés de la vieille demeure. Il révèle que les chrétiens « ont réussi à s'imposer par leur rôle tampon entre toutes les communautés de la région, sunnite, chiite et druze ». Encore habitée par la famille en week-end, la vieille maison, qui distribuait du courant électrique au village, est désormais propriété de Karim Kanaan. Agrandie au fil des ans, c'est un chef-d'œuvre architectural, classé au patrimoine local.
Après avoir mis en veilleuse sa vocation touristique, Jezzine reprend aujourd'hui son rôle de station de villégiature sudiste. Elle se lance dans le développement de nouveaux projets hôteliers et l'organisation d'activités de plein air. Avec pour cible immédiate la population locale, celle du Liban-Sud principalement, à la recherche d'un brin de fraîcheur, d'une certaine dose de tranquillité et d'une bonne table. Sans oublier les Jezziniotes de Beyrouth et de l'étranger, qui demeurent fidèles à leur village et viennent y passer le week-end, voire une partie de l'été. Ce petit monde s'y retrouve immanquablement à la mi-août pour célébrer la fête de la Vierge, protectrice de Jezzine, qui s'étale sur une bonne semaine. Les préparatifs vont déjà bon train...
Comment y accéder
Fiche technique
By: Anne-Marie El-HAGE
Source: L'orient le jour
Par
une chaude journée d'été, Jezzine s'éveille paresseusement au rythme de
sa cascade qui bruisse et murmure, comme une chanson douce. Bien ancrée
sur une falaise, sur les contreforts des monts de Niha, la station de
villégiature du Liban-Sud est fin prête pour la saison estivale. Dans
son souk remis à neuf il y a quelques années, les artisans couteliers
exhibent fièrement leurs nouvelles créations, et les épiciers du terroir
leurs produits frais. Un régal pour les yeux et les papilles. Ils
espèrent que la saison sera bonne, malgré la crise. Dans ses ruelles qui
serpentent en hauteur, un marteau piqueur brise le silence. Une vieille
demeure est en cours de restauration, comme tant d'autres ici. Elle a
pour vocation de devenir un centre culturel qui abritera un atelier de
fabrication de coutellerie. Histoire de montrer aux touristes le
savoir-faire artisanal de Jezzine, unique en son genre.
Assis devant une échoppe, une poignée d'artisans, de commerçants et d'habitants refont le monde en sirotant leur énième café. Ils échangent des plaisanteries, sourire aux lèvres. Il fait si bon vivre à Jezzine.
L'éternelle fiancée de la cascade, chef-lieu du caza qui porte son nom, est-elle une ville, une bourgade ou un village du Liban-Sud ? Peu importe. Ce qui importe, c'est qu'elle a toujours été, à travers les siècles, non seulement le pourvoyeur en eau de la région, grâce à ses quelque 24 sources, mais aussi le grenier des trésors de Saïda, notamment. Son nom viendrait de l'araméen, canzino, qui signifie magasins ou réserves, raconte Sleiman Rizk, professeur d'histoire et habitant de la localité. Jezzine veut aussi dire en arabe deux parties (jez'ayn), en référence au fleuve formé par la cascade, qui coupe la localité en deux.
L'âge d'or
Il faut dire que celle-ci a tout pour plaire. Le côté moderne d'une ville avec sa place, son souk, ses cafés-trottoirs, sa bibliothèque, sa jeunesse. Et le caractère traditionnel d'un village de montagne, avec son climat sec, sa vue plongeante sur des paysages de rêve, sa forêt de pins qui embrasse la réserve de Bkassine, ses sentiers de marche qui rejoignent Niha et Aïtanit, ses vignes en terrasses, ses anciennes maisons en pierre de taille (la pierre de Jezzine), ses églises et monastères centenaires, son festival annuel, et enfin ses habitants.
Des habitants particulièrement accueillants, dont chacun dit qu'ils ont « une belle âme », attachés à leur patrimoine, à leur terre et à leur histoire. Même si c'est ailleurs que la grande majorité d'entre eux vit désormais.
Il faut dire que celle-ci a tout pour plaire. Le côté moderne d'une ville avec sa place, son souk, ses cafés-trottoirs, sa bibliothèque, sa jeunesse. Et le caractère traditionnel d'un village de montagne, avec son climat sec, sa vue plongeante sur des paysages de rêve, sa forêt de pins qui embrasse la réserve de Bkassine, ses sentiers de marche qui rejoignent Niha et Aïtanit, ses vignes en terrasses, ses anciennes maisons en pierre de taille (la pierre de Jezzine), ses églises et monastères centenaires, son festival annuel, et enfin ses habitants.
Des habitants particulièrement accueillants, dont chacun dit qu'ils ont « une belle âme », attachés à leur patrimoine, à leur terre et à leur histoire. Même si c'est ailleurs que la grande majorité d'entre eux vit désormais.
Rien d'étonnant donc à ce que Jezzine devienne le centre de villégiature le plus prisé de la région. Un centre où se pressaient l'été Palestiniens, Égyptiens et même Syriens aisés, avant la funeste Nakba (l'exode palestinien de 1948). Et qui attirera, plus tard, les habitants de Saïda et les touristes du Golfe. Les traces de cet âge d'or demeurent visibles dans la bourgade. Elles portent les noms des hôtels Palestine, Ahram, Kanaan et autres.
La visite de la vieille demeure de Maroun Kanaan, homme politique qui a contribué à l'indépendance du Liban, est un must incontournable. Empreinte d'histoire, de souvenirs et d'un mode de vie à l'ancienne, elle raconte le village à travers la famille Kanaan et son chef, Soleiman bey. Une histoire faite de luttes, de déportations, de relations avec l'Empire ottoman et les différentes communautés religieuses. « Soleiman bey entretenait d'excellentes relations avec les Joumblatt. C'est ainsi que les chrétiens, jadis ouvriers, sont devenus propriétaires à Jezzine », raconte Fady el-Hage, membre de la municipalité, gardien des clés de la vieille demeure. Il révèle que les chrétiens « ont réussi à s'imposer par leur rôle tampon entre toutes les communautés de la région, sunnite, chiite et druze ». Encore habitée par la famille en week-end, la vieille maison, qui distribuait du courant électrique au village, est désormais propriété de Karim Kanaan. Agrandie au fil des ans, c'est un chef-d'œuvre architectural, classé au patrimoine local.
Histoire d'une grotte
Des histoires liées à celle du Liban, Jezzine en a des tas à raconter. Elle en tire même fierté. C'est dans l'une des grottes de sa vallée, Wadi Jezzine, située à proximité de la cascade, que s'est réfugié l'émir Fakhreddine fuyant les Ottomans qui le traquaient. Ils lui reprochaient ses velléités d'indépendance et son ouverture sur l'Occident. Ils réussiront à l'arrêter en février 1633, après avoir enfumé sa cache. Cette grotte, à l'entrée si étroite, tellement qu'on ne peut y accéder qu'à plat ventre, « sera bientôt accessible au grand public par un sentier qui la reliera au bas de la cascade », promet Khalil Harfouche, ancien président de la municipalité de Jezzine, si sa réélection se confirme toutefois.
Jezzine a également subi les guerres successives du Liban, avec leurs horreurs, leurs massacres, leurs destructions toujours visibles par endroits. Mais jamais l'attachement des Jezziniotes à leur terre n'a faibli, même durant les moments les plus durs, lorsque la localité était isolée du reste du pays et qu'il fallait passer par le Chouf, plutôt que par Saïda, pour se rendre à Beyrouth. Un attachement renforcé par la présence des congrégations religieuses maronites, notamment les antonins, qui ont grandement contribué au développement de la bourgade.
Des histoires liées à celle du Liban, Jezzine en a des tas à raconter. Elle en tire même fierté. C'est dans l'une des grottes de sa vallée, Wadi Jezzine, située à proximité de la cascade, que s'est réfugié l'émir Fakhreddine fuyant les Ottomans qui le traquaient. Ils lui reprochaient ses velléités d'indépendance et son ouverture sur l'Occident. Ils réussiront à l'arrêter en février 1633, après avoir enfumé sa cache. Cette grotte, à l'entrée si étroite, tellement qu'on ne peut y accéder qu'à plat ventre, « sera bientôt accessible au grand public par un sentier qui la reliera au bas de la cascade », promet Khalil Harfouche, ancien président de la municipalité de Jezzine, si sa réélection se confirme toutefois.
Jezzine a également subi les guerres successives du Liban, avec leurs horreurs, leurs massacres, leurs destructions toujours visibles par endroits. Mais jamais l'attachement des Jezziniotes à leur terre n'a faibli, même durant les moments les plus durs, lorsque la localité était isolée du reste du pays et qu'il fallait passer par le Chouf, plutôt que par Saïda, pour se rendre à Beyrouth. Un attachement renforcé par la présence des congrégations religieuses maronites, notamment les antonins, qui ont grandement contribué au développement de la bourgade.
Après avoir mis en veilleuse sa vocation touristique, Jezzine reprend aujourd'hui son rôle de station de villégiature sudiste. Elle se lance dans le développement de nouveaux projets hôteliers et l'organisation d'activités de plein air. Avec pour cible immédiate la population locale, celle du Liban-Sud principalement, à la recherche d'un brin de fraîcheur, d'une certaine dose de tranquillité et d'une bonne table. Sans oublier les Jezziniotes de Beyrouth et de l'étranger, qui demeurent fidèles à leur village et viennent y passer le week-end, voire une partie de l'été. Ce petit monde s'y retrouve immanquablement à la mi-août pour célébrer la fête de la Vierge, protectrice de Jezzine, qui s'étale sur une bonne semaine. Les préparatifs vont déjà bon train...
Comment y accéder
Située au Liban-Sud à 73 km de Beyrouth (deux heures de route environ), Jezzine fait le lien entre quatre mohafazats :
– Depuis Beyrouth, prendre la sortie de Saïda à gauche en direction de Lebaa.
– Depuis Nabatiyé, deux itinéraires possibles, par Arabsalim ou par Jarmaq.
– Depuis Marjeyoun, deux itinéraires possibles, par Aïchiyé ou par Jarmaq.
– Depuis le Mont-Liban, deux itinéraires possibles, par Beiteddine ou par Almane.
– Depuis la Békaa, par Machghara.
– Depuis Beyrouth, prendre la sortie de Saïda à gauche en direction de Lebaa.
– Depuis Nabatiyé, deux itinéraires possibles, par Arabsalim ou par Jarmaq.
– Depuis Marjeyoun, deux itinéraires possibles, par Aïchiyé ou par Jarmaq.
– Depuis le Mont-Liban, deux itinéraires possibles, par Beiteddine ou par Almane.
– Depuis la Békaa, par Machghara.
À ne pas rater
– La cascade et la source d'eau, agréables l'été, particulièrement impressionnantes l'hiver.
– Les vieilles demeures, la maison et l'hôtel Kanaan, le palais Serhal, le palais municipal (style ottoman), la maison de l'ancien député Samir Azar, la maison de Melhem Nassih, l'orphelinat des sœurs de Ibrine, offert à la congrégation par le patriarche Méouchi...
– Les églises et monastères centenaires, l'église Saint-Maron (et son vieil escalier), l'église Notre-Dame de la Source, l'église Saint-Antoine et son couvent, l'église Saint-Joseph, à l'entrée de Jezzine, la statue de la Vierge Notre-Dame du Passage, le vieux moulin transformé en mausolée des saints du Liban...
– Le quartier commerçant ou souk, pour son artisanat de coutellerie et ses épiceries de mouné, produits du terroir.
– La visite d'un atelier d'artisan coutelier.
– Les sentiers de marche.
– La ferme de truites d'Alberto Slim.
– La vue imprenable des hauteurs du village.
– Le kebbé de Jezzine, star du mezzé traditionnel.
– Les vieilles demeures, la maison et l'hôtel Kanaan, le palais Serhal, le palais municipal (style ottoman), la maison de l'ancien député Samir Azar, la maison de Melhem Nassih, l'orphelinat des sœurs de Ibrine, offert à la congrégation par le patriarche Méouchi...
– Les églises et monastères centenaires, l'église Saint-Maron (et son vieil escalier), l'église Notre-Dame de la Source, l'église Saint-Antoine et son couvent, l'église Saint-Joseph, à l'entrée de Jezzine, la statue de la Vierge Notre-Dame du Passage, le vieux moulin transformé en mausolée des saints du Liban...
– Le quartier commerçant ou souk, pour son artisanat de coutellerie et ses épiceries de mouné, produits du terroir.
– La visite d'un atelier d'artisan coutelier.
– Les sentiers de marche.
– La ferme de truites d'Alberto Slim.
– La vue imprenable des hauteurs du village.
– Le kebbé de Jezzine, star du mezzé traditionnel.
Fiche technique
Altitude : Jezzine est située à 950 mètres d'altitude et culmine à 1 200 mètres.
Nombre d'habitants : 3 500 en hiver et 8 000 en été.
Climat : Frais et sec l'été, froid et enneigé l'hiver.
Restaurants : De nombreux restaurants offrent un mezzé varié à proximité de la cascade. Parmi les meilleurs, al-Challal, Sakhret al-Challal, Les Délices de Jezzine, Mardakouch, al-Chalouf, al-Horch, Rayan, al-Chark. Snacks et cafés-trottoirs ont aussi pignon sur rue dans la localité.
Hôtels : L'Étoile du Loup, l'auberge Wehbé, l'hôtel Rizk, l'hôtel Iris. Un cinquième établissement hôtelier devrait bientôt ouvrir ses portes.
Activités sportives : Trois sentiers de marche sont accessibles, avec des guides. Pour plus de renseignements, contacter la Fédération des municipalités de Jezzine au 07/781555.
Nombre d'habitants : 3 500 en hiver et 8 000 en été.
Climat : Frais et sec l'été, froid et enneigé l'hiver.
Restaurants : De nombreux restaurants offrent un mezzé varié à proximité de la cascade. Parmi les meilleurs, al-Challal, Sakhret al-Challal, Les Délices de Jezzine, Mardakouch, al-Chalouf, al-Horch, Rayan, al-Chark. Snacks et cafés-trottoirs ont aussi pignon sur rue dans la localité.
Hôtels : L'Étoile du Loup, l'auberge Wehbé, l'hôtel Rizk, l'hôtel Iris. Un cinquième établissement hôtelier devrait bientôt ouvrir ses portes.
Activités sportives : Trois sentiers de marche sont accessibles, avec des guides. Pour plus de renseignements, contacter la Fédération des municipalités de Jezzine au 07/781555.
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