Le village préféré des Libanais : #7 Kfardebiane, l'autre nom du tourisme de montagne

Date: Wednesday, July 20, 2016
By: Fady NOUN
Source: L'orient le jour


Abondance en eau, en fruits, en beauté naturelle, exceptionnelle variété des activités de loisir, du ski à l'archéologie, de la marche à la photo, ainsi que le niveau de développement des services, font du village de Kfardebiane (Kesrouan) perché à 900 mètres d'altitude (au moins), un centre idéal du tourisme de montagne.

Bien que l'on puisse y colorer ses lèvres de rose cerise, Kfardebiane est le village des pommes. Un tiers de la production libanaise en provient. En ce mois de juillet, elles ne sont pas plus grandes qu'un poing de nourrisson, et ont souffert de la grêle. Mais, striant les versants des montagnes qui nous font face, d'innombrables vergers s'en remettent vaillamment sous le plein soleil qui rayonne.
L'or bleu (de l'eau), l'or blanc (de la neige), l'or ocre (des ruines romaines), l'or vert (des arbres fruitiers), l'or invisible des songes, celui des rêves de fortune et d'escapade, autant de mines qui font la richesse de l'un des plus grands villages du Liban.

De l'ancienne maison de religieuses transformée par Joséphine Zgheib en modeste auberge, notre premier arrêt, au sommet du Mzar, minuscule chapelle au loin, tout ce que l'œil peut embrasser, longer, arpenter, observer, admirer est terre domaniale de Kfardebiane. Tout le domaine skiable des stations Mzar et Wardé (16 km de pistes) est Kfardebiane, fièrement porté – et même un peu farouchement.
L'or bleu, c'est celui qui chante encore dans les lits des torrents d'hiver, comme dans les canaux et rigoles qui distribuent aux vergers leur part d'eau luisante provenant des deux sources majeures de Nabeh el-Assal et Nabeh el-Laban, les sources du miel et du lait (caillé).
Le sommet du Mzar
Le bouillonnement de Nabeh el-Assal est désormais invisible sous ses habits d'usine. Nabeh el-Laban, lui, jaillit toujours au pied de la pente du dernier lacet de la route d'Ouyoune el-Simane, là où par grand froid se forment les plaques de verglas et où les congères sont les plus hautes. La source du lait caillé, voilà comment s'appelle cette eau pure qui jaillit de la montagne à la température de 5 degrés et qui, jadis, se jetait en cascades blanches dans les vallées, donnant son nom à la source. La Bible chante le Liban comme « la terre du miel et du lait », paradis de verdure servant d'écrin aux fiancées des rois.
C'est l'été, bien sûr, et à part quelques plaques sur le versant nord, les neiges ont fondu. Si le débit de Nabeh el-Laban au printemps restait le même toute l'année, c'est le Liban tout entier qui en boirait. Aujourd'hui, une partie essentielle de cette eau se déverse dans un grand bassin bleu ciel, et est canalisée vers le barrage de Chabrouh, qui alimente le Kesrouan. A l'étiage, toute l'eau ira vers Kfardebiane.
Attention, l'inventaire des beautés et des richesses de Kfardebiane n'en est encore qu'à ses début. Nous n'avons encore rien dit du pont naturel. Kfardebiane n'a pas de cèdres, mais elle a cette robuste et gracieuse arcade de cinquante mille tonnes qui orbite dans le temps, sculptée par les eaux du Nabeh el-Laban au fil du million et demi d'années écoulées depuis l'âge de la terre.

Le pont naturel
Convoité par les cafés, mais farouchement défendu sur son site par la municipalité et gardé dans son état brut, le pont naturel est visible de la route qui conduit de Faqra vers les pistes. On y accède de divers sentiers, en écrasant la bruyère mauve, en s'équilibrant sur les cailloux et en saluant au passage quelques églantiers aux fleurs blanches, qui vous le rendent avec leurs senteurs de rose sauvage. Rien n'interdit non plus qu'on descende sous le pont. Avis à la municipalité: une cédraie devrait l'entourer.
Nous n'avons pas encore approché des ruines romaines de Faqra, avec leurs réminiscences phéniciennes et leurs emprunts égyptiens. Notre guide, Nassib Akiki, savant, courtois et sportif bibliothécaire du Centre de lecture et d'animation culturelle (CLAC) nous y conduit. Le circuit comprend la tour de garde, à partir de laquelle les garnisons romaines surveillaient la route conduisant à Héliopolis, notre Baalbeck, des autels, le grand temple romain et son jeune frère, converti en église byzantine, et enfin les caveaux funéraires taillés dans la pierre et éparpillés parmi les rochers.

Pour construire leur temple, les Romains ont choisi une magnifique formation rocheuse, des Dolomites miniatures qui, à elles seules, méritent le détour. Avec des blocs dont les griffures rivalisent de grâce avec les fleurs des champs poussant à leurs pieds, les biseaux du vent, de la pluie, de la neige et de la glace ont taillé un monde dont les traces, et pour un peu les habitants, se réveillent devant nous.
Le travail de restauration superficiel saute aux yeux. Des tiges en fer donnent un air hirsute aux quelques colonnes redressées du grand temple. On nous assure que 100.000 euros seront bientôt dépensés pour mieux aménager le site et l'accueil des visiteurs. En vérité, c'est cent fois plus d'euros qui méritent d'être investis dans la restauration de cette station romaine située à 1 600 mètres d'altitude, chantée par Renan, et dont la principale pelouse avec ses cinq mille places assises, accueille l'un des innombrables festivals de l'été.

Été comme hiver, jour et nuit, Kfardebiane vit de son étourdissant et versatile capital: quand ce n'est pas le ski, avec le domaine skiable le plus développé de ce côté des Alpes, c'est la remontée nostalgique des talwegs. Après la fonte des neiges, ce sont les sentiers vers le Mzar, accessible aussi en ATV, d'où le regard plonge dans la vertigineuse vallée de Nahr el-Kalb, avant de flâner du côté de la Békaa et de l'Hermon, qui garde au loin nos frontières.
Des chalets de grand luxe poussent à Kfardebian. Ils se marient bien avec le club privé de Faqra, où la jet set s'est payée une piste de ski sur pelouse – club privé avec quand même quelques exceptions d'ouverture au public, comme le feu d'artifice très couru de la fête de l'Assomption (15 août).
Voilà, on a commencé à dire quelque chose de Kfardebiane... Vraiment, il n'y a pas de justice en ce monde...



Comment y accéder
Kfardebian est facilement accessible de Beyrouth, par l'un des réseaux routiers les plus larges du pays. Le village est à 44 km de Beyrouth et 27 km de Jounieh.
Venant de Beyrouth, suivre l'autoroute de Jounieh, puis prendre la montée du Christ-Roi après Nahr el-Kalb et la route de Feytroun. Après Feytroun, tourner à droite vers Kfardebian.

A ne pas rater
- Les ruines romaines. Elles figurent dans les guides bleus.
- Les deux stations de ski (Mzar et Wardé). Elles ont leur propre site.
- Les randonnées en ATV ou à pied, parmi les pommeraies et les Dolomites.
- Le pont naturel, un bijou préhistorique qui figure sur les circuits de nombreux clubs de marche.
- La vallée de la Croix (Wadi el-Salib), avec son moulin à eau, est une station courue de tous les amateurs de vieux sentiers.
- Le feu d'artifice de l'Assomption (nuit du 14 au 15 août).
- La fête de Saint Ephrem, saint patron du village, le deuxième dimanche d'août.
- La municipalité abrite l'un des deux Centres de lecture et d'animation culturelle (CLAC) du Kesrouan. Le CLAC est un partenariat de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et comprend depuis 2000 une bibliothèque municipale et une salle de projection de 300 places, avec accès gratuit à Internet.

Fiche technique
-Superficie: 40 km2
-Altitude: Kfardebiane commence à 900 mètres et culmine, pour les pistes de ski et les randonnées, à 2 800 mètres.
- Nombre d'habitants : 12.000 résidents permanents. Il passe à 20.000 après les rigueurs de l'hiver.
- Président du Conseil municipal : Bassam Salamé.
- Hôtels et restaurants : de nombreux hôtels, maisons d'hôtes, pensions et logements chez l'habitant sont disponibles. On s'y retrouve grâce au syndicat d'initiative de la municipalité (09 710 160, entre 8h et 14h les jours ouvrables). Nombreux restaurants orientaux et occidentaux.
- Climat : Très froid en hiver et agréable en été, avec un taux important d'enneigement et de précipitations, d'où l'abondance des sources d'eau.





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